Extrait du Journal Officiel du 14 aout 1887 régularisant la concession que Bavier-Chauffour avait obtenu du gouvernement annamite le
26 août 1886, lequel acte lui concédait le fonds et le tréfonds de
62 000 hectares (620 km2) de terrains sis à Hon-Gay et à Kebao.
... Antoine Bavier-Chauffour était en cousin de Jules Ferry ...
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6272976g.r=Bavier+Chauffour.langFR
Le
résident général de la République française en Annam et au Tonkin,
membre de l'Institut, à M. de Freycinet, président du conseil, ministre des affaires étrangères.
Hanoi, le 20 octobre 1886.
Monsieur
le ministre, J'ai l'honneur de vous adresser, suivant votre demande, un
rapport sur l'état actuel de l'affaire Bavier-Chauffour.
A la
date du 20 juillet dernier, sur un télégramme de moi où je vous disais
avoir reçu, avec la visite de M. Bavier-Chauffour, communication de ses
intentions, vous me répondiez dans les termes suivants : « Dans
l'affaire Bavier-Chauffour, le gouvernement français n'a pas eu à se
prononcer jusqu'ici sur la propriété de la superficie du sol ; il est
porté à croire que la concession de territoire démesurément étendue n'a
pu être consentie par le gouvernement annamite qu'en vue des avantages
que devait lui procurer l'exploitation des mines, et que conséquemment
la concession n'est pas divisible.
Nous contestons formellement
la légitimité de la concession minière, postérieure à un traité qui nous
donne le droit de légiférer en cette matière.
Dès lors, le
gouvernement annamite parait fondé à déclarer que la concession totale
qu'il a cru en faire, étant caduque sur un point essentiel, tombe tout
entière puisqu'il n'en retire pas les avantages qui avaient déterminé sa
résolution. M. Bavier-Chauffour a assurément liberté de demander au
gouvernement annamite une indemnité pour les frais qu'il a pu faire à la
suite d'une concession qui se trouve illégale ; mais cela ne nous
regarde pas, et nous n'avons pour notre compte ni à transiger avec lui
ni à reconnaître la légitimité de ses revendications. »Les termes de ces
instructions étaient formels.
Je n'avais ni à transiger, ni même à vous transmettre aucune proposition de transaction. Et en fait, depuis cette époque jusqu'au 10 octobre dernier, j'ai gardé pour
moi les propositions multiples d'arrangement qui m'ont été adressées, Le
10 octobre dernier, je vous ai adressé le télégramme suivant : « J'ai
l'honneur de vous faire savoir que M. Bavier-Chauffour offre une
transaction sur les bases suivantes : abandon complet du traité avec le
gouvernement annamite et sans recours ultérieur. Concession des mines de
Hong-Gay pour 98 ans, avec 5 p. 100 sur les bénéfices nets.
Société
française avec siège à Haïphong ; conseil d'administration statutaire
composé de 5 Anglais et de 3 Français. Capital : 2 millions et demi,
dont une moitié déjà souscrite, l'autre à émettre simultanément à Paris,
Haïphong, Hong-Kong ; exploitation immédiate. Suivant vos
instructions, je dois me borner à vous transmettre ces propositions; je
demande donc des instructions nouvelles. Le procès vient le 30; j'ai
l'intention d'élever le conflit. Il est incontestable que l'exploitation
des mines est très utile pour le protectorat, moins encore au point de
vue pécuniaire qu'au point de vue politique. »
Les bases de l'arrangement proposé m'avaient « en effet paru pouvoir servir de point de départ à des négociations utiles;
et il semble bien que telle ait été aussi votre opinion, puisque le 11
octobre vous me répondiez : « Votre télégramme ne me permet pas de me
faire une opinion relativement au projet de transaction
Bavier-Chauffour. J'ai besoin d'un rapport développé sur cette question
et je vous prie de me l'envoyer par le prochain courrier.
Tâchez
d'obtenir l'ajournement du procès, môme en élevant le conflit si cela
est nécessaire. Je ne puis vous rien dire encore sur les conditions
proposées.
Je ne les ai pas toutes très bien comprises, peut-être parce que votre
télégramme a été mal transmis. Mais, en tous cas, nous ne devons pas
admettre un conseil d'administration statutaire composé de cinq Anglais
et de trois Français. La proportion contraire serait seule admissible. »
Il me faut maintenant entrer dans les explications que vous me demandez.
Je
ne veux pas examiner le bien fondé des réclamations de M.
Bavier-Ghauffour, ni supputer les chances qu'elles pourraient avoir en
justice. Je me place à mon point de vue de chef de l'administration du
protectorat, et me préoccupe uniquement des avantages que nous pouvons
retirer d'un arrangement avec M. Bavier-Chauffour.
Or, voici
quelle est actuellement la situation : M. Bavier-Chauffour croit tenir
des droits du contrat qu'il a passé avec la cour de Hué. Il en réclame,
et, quoiqu'il ait consenti à reculer de près de trois mois l'assignation
à comparaître, il est bien décidé à en poursuivre l'exécution devant
les tribunaux. Quels que soient les tribunaux compétents, qu'on plaide
en France ou au Tonkin, peu importe, il y aura procès, et dès lors les
adjudications des mines de la baie d'Hon-Gay, que je me proposais de
faire dès le 1er janvier,
deviennent impossibles. La première garantie, en effet, que
réclameraient les demandeurs en adjudication serait la garantie de la
propriété, ou tout au moins de la paisible possession de la mine. Et
comment garantir l'une ou l'autre en présence d'un procès évidemment à
longue échéance?
Du moins, en écartant M. Bavier-Chauffour et en
perdant pendant dix-huit mois ou deux ans le bénéfice pécuniaire et
politique de cette exploitation, aurions-nous la chance de trouver, lors
des adjudications à venir, des concessionnaires sérieux. J'ai reçu les
demandes que vous m'aviez transmises, monsieur le ministre ; elles
datent déjà de plusieurs années, et elles émanent pour la plupart de
gens qui paraissent insuffisamment qualifiés pour prétendre
conduire ces exploitations : personne d'entre eux, pas même ceux à qui
j'ai, pour d'autres affaires, réservé bon accueil, n'a cru devoir
renouveler ces demandes auprès de moi.
C'est qu'en effet
malheureusement les capitaux français sont timides et trop souvent les
compétiteurs français qui se présentent à nous dans les affaires
importantes sont non des gens qui apportent des capitaux pour faire
l'affaire, mais des gens qui demandent à avoir l'affaire pour chercher
des capitaux.
Or, c'est une entreprise complexe que l'exploitation
des mines au Tonkin. Il se peut que la mise à jour des gisements
houillers soit relativement facile ; mais, autant qu'on sait, le charbon
extrait sera difficilement employé sans mélange, et il faudra installer
une usine à faire des briquettes avec du charbon d'Europe ou plutôt d'Australie.
C'est en effet ce que se propose M. Bavier-Chauffour.
Et c'est la considération des facilités et des débouchés qu'aurait une
société comme celle-là, avec tant d'attaches avec le port de Hong-Kong,
jointe à l'importance du capital auquel elle se fonderait, qui m'a
déterminé à vous soumettre ces propositions.
Ce serait une
exploitation enfin lancée, après tant d'années que le public entend
parler des mines de la baie d'HaLong et en attend la mise en
exploitation, et ce serait une exploitation fructueuse, j'en suis sûr,
et dont nous avons bien besoin, avec les affaires si ralenties depuis le
brusque rapatriement d'une partie des troupes.
De plus, M. Bavier-Chauffour demande à commencer l'exploitation immédiatement, et je me suis assuré qu'il en a les moyens.
Le
côté politique de la question me frappe particulièrement. Cette région
de Hong-Gay, appelée à un bel avenir, est actuellement infestée de
pirates annamites ou chinois. Dans tout le triangle Dong-Trien, An Chan,
Monkuy, circulent de nombreuses bandes qui attaquent, suivant
l'occasion, les villages indigènes ou les postes français.
C'est
ainsi qu'à Dong-Trien, le 16 septembre, une bande de 800 à 1000 chinois a
attaqué le poste français, lequel d'ailleurs l'a dispersée en lui tuant
40 hommes. Depuis le 16 septembre, ces pillards ont disparu. Où
sont-ils ? Pour partie au service de la France; engagés comme coolies
par le commandant Servières à Langson pour des transports de bagages et des confections de routes.
C'est un service de ce genre que rendra à la pacification l'exploitation des mines dans la région troublée de Hon-Gay. Oa a dit avec raison que les pirates avaient disparu, dans les mers de Chine, non devant les croisières, mais devant les bateaux de commerce. Ce sera aussi le commerce qui chassera devant lui les pirates du Tonkin Et l'opinion sur ce
point est si bien faite que le conseil du protectorat, dans la séance
du 17 juillet, voulant laisser à l'administration la plus grande latitude dans la concession des mines, admettait
comme redevance possible de la concession l'engagement de faire la
police dans telle ou telle portion du pays.
Voilà les avantages que nous procurer au l'adoption des propositions de M. Bavier-Chauffour.
Malheureusement, elles se présentent sous une forme difficilement acceptable. Le jour où M.
Bavier-Chauffour
me les a exposées, et avant de vous les transmettre, je lui ai objecté
combien il serait délicat de fonder, pour l'exploitation d'une mine
française, une société dont le conseil d'administration aurait une majorité anglaise, et je l'engageais à renverser la proportion, M. Bavier-Chauffour comprend, comme moi la difficulté de faire accepter un conseil d'administration avec majorité anglaise. Mais il ne croit pas pouvoir amener ses railleurs de fonds à renverser la
proportion. Tout au plus espère t-il obtenir la composition suivante :
quatre membres anglais, trois membres français. Il sait que cela ne peut nous satisfaire, mais il déclare ne pouvoir obtenir plus.
Et je crois au bien fondé de cette déclaration.
Il
a en effet déjà obtenu que sa société, fondée avec des capitaux anglais
en principe et sous bénéfice des résultats de la souscription, fût une
société française, soumise à la loi française et à la compétence des
tribunaux français, avec siège social à Haïphong ; il a obtenu que le
personnel, directeur, ingénieurs, etc., fût français ; et enfin que le
matériel fût acheté en France. Ce sont là des concessions considérables.
D'autre part, la société est fondée au capital de 2,500,009 francs;
1,250,000 fr. seront attribués en actions libérées à M. Bavier-Chauffour
et à ses amis, tous Français. Si le public français souscrit pour
quelques centaines de mille francs, la société deviendra de fait
française, la prochaine assemblée des actionnaires pouvant à son gré
modifier la composition du conseil d'administration statutaire.
Voilà
très nettement exposées les propositions de M. Bavier-Chautfour. J'ai
cru devoir vous les soumettre ; et, chef de l'administration du
protectorat, les recommander à votre attention, comme intéressant
vivement la prospérité de ce pays. C'est dans ces conditions, monsieur
le ministre, que je vous serais reconnaissant de vouloir bien les
examiner, et, si vous les approuvez, de m'autoriser, par télégraphe,
avant le 18 décembre, date à laquelle l'affaire a été remise, à traiter
avec M. Bavier-Çhauffour.
PAUL BERT.
M. Bihourd, rèsident général de France a Hanoi, à M. Flourens, ministre des affaires étrangères.
Hanoi, le 13 mars 1887.
M.
Bavier-Ghauffour n'a pas abandonné les prétentions qu'il a émises
depuis longtemps sur la région minière qui avoisine la baie d'Ha-Long,
et pour obtenir la reconnaissance des droits qu il invoque, il a
introduit devant le tribunal consulaire de Quang-Yen une action qui
vient d'aboutir à un premier jugement.
Ce jugement a admis le
gouvernement du protectorat à intervenir dans le procès intenté au
gouvernement annamite, En dépit de ce procès, j'ai engagé M.
Bavier-Chauffour à venir débattre avec moi les conditions dans lesquelles
une concession transactionnelle pourrait lui être accordée J'ai, en
même temps, rappelé à Hanoï M. Récopé, ancien ingénieur de la marine et
délégué de la société générale, qui était sur le point de s'embarquer a
Hong-Kong pour la France. J'ai jugé utile, dans l’intérêt des négociations, d'opposer ces deux concurrents l'un à l'autre.
Je les ai alors invités à me faire des offres fermes ; M. Récopé m'a remis les siennes hier matin. M. Bavier-Chauffour après m'avoir demandé avant-hier un délai pour
délibérer et prendre des conseils à Hong-Kong et à Paris, est venu hier
me reparler de ses droits. Il a allégué, de nouveau, ses dépenses, ses
recherches, ses fatigues au Tonkin, comme autant de titres lui créant une situation privilégiée et il m'a déclaré qu'il aimait mieux attendre la décision de la justice que de subir la situation que je lui faisais et qui était bien inférieure à celle qu'il avait obtenue dans ses pourparlers avec M. Paul. Néanmoins, il a fini par s'engager à me remettre ses offres.
Malgré mon désir d'obtenir ses offres qui, en cas (l'acceptation définitive, auraient mis fin immédiatement aux difficultés contentieuses, j'ai du réserver l'assentiment de M. Récopé, vis-à-vis duquel je me considérais déjà comme lié par le dépôt de ses offres.
M. Récopé m'a fait connaître immédiatement qu'il désirait que les conditions posées par moi, sur lesquelles se basaient ses offres, ne fussent pas modifiées. J'ai lieu de croire que ce concurrent a eu plus d'un lot en vue. En présence de ma réponse, M Bavier-Chauffour m'a déclaré ce matin qu'il allait poursuivre l'instance judiciaire engagée. Malgré tout, et pour lui laisser le temps de revenir sur cette détermination, je lui promis de n'ouvrir le pli contenant les offres de M. Récopé que le 26 mars courant.
C'est à cette époque que je pourrai compléter les indications de ce rapport.
Quel que soit le résultat définitif de mes négociations, je vous adresse, par ce courrier, la copie du projet que j'ai préparé en vue des concessions.
Si les offres de M. Récopé, ou celles qui pourraient avant le 25 mars, émaner d'un autre concurrent atteignent le chiffre que j'ai fixé, je vous demanderais instamment, monsieur le ministre, de m'autoriser a passer un traité définitif avec M.Récopé, qui aura, bien entendu, à produire des pouvoirs réguliers.
Si je ne réussis pas à concéder deux lots, j'aurai du moins l'avantage de faire mettre à bref délai en exploitation une partie de nos richesses minières et de donner
ainsi un encouragement au commerce qui se préoccupe depuis longtemps de ces entreprises, et de contribuer, sans doute, par l'ouverture de chantiers importants, à la diminution de la piraterie dans la région d'Hon-Gay.
Les négociations qui, en plaçant M. Bavier-Chauffour en présence d'un concurrent sérieux ont permis de mesurer la valeur de ses prétentions, attesteront en même
temps notre impartialité et notre unique souci de protéger les intérêts du Tonkin.
La lecture du projet ci-joint vous permettra,Monsieur le ministre, d'apprécier les précautions que j'ai prises pour mettre le protectorat à abri des difficultés qu'on peut prévoir. Des clauses spéciales y seront ajoutées si M. Bavier-Chauffour est concessionnaire, en vue de mettre fin aux revendications de propriété dont il a saisi la justice.
De l'examen auquel il a été procédé surplace, il résulte que le bassin minier qui s'étend d'Hon-Gay jusqu'à Campha, et auquel se rattache l'ile de Kebas, doit être divisé en quatre lots.
Il me paraît indispensable que ces lots aient une grande étendue, car, en les réduisant, on serait très exposé à éloigner tous les demandeurs, qui ne consentiraient pas à faire les frais énormes d'une installation industrielle sans espérer quelque dédommagement à leurs risques.
D'autre part, les difficultés de l'embarquement des houilles transformeraient les petits lots en véritables enclaves ou imposeraient à leurs prolétaires des frais de chemin de fer hors de proportion avec la valeur de la concession. Je pense même qu'il n'y aurait aucun inconvénient a réunir deux lots, quelle que soit leur importance,
entre les mains du même concessionnaire puisque celui-ci, ne voulût-il
pas exploiter deux lots à la fois avant longtemps, serait tenu de
payer au protectorat un minimum de redevance calculé à peu près sur le taux de 10 fr Par hectare concédé.
Pour la fixation de la redevance, j'ai obéi à une double préoccupation : j'ai voulu que la perception fût facile et que le produit fût au moins égal à celui que prévoit le budget de 1884.
Il ne fallait pas songer à établir une redevance annuelle proportionnelle à la surface concédée.
La nécessité de faire des concessions étendues et 1'impossibilité, pour des exploitations nées dans des conditions pareilles, de supporter de les charges dès le début, m'ont conduit à adopter le principe de la redevance proportionnelle à la houille vendue. Je ne parle pas de la houille extraite, entendant affranchir de la redevance la houille nécessaire à l'exploitation et celle qui, par sa mauvaise qualité, ne serait pas marchande et serait employée, par exemple, à des remblaiements.
Je n'ai pas songé à adopter le système encore en vigueur dans la loi française, parce qu'une expérience personnelle, longue et variée, m'a permis d'en constater les difficultés et les périls.
Je crois que le chiffre de 1 fr. par tonne vendue représente une part suffisante des bénéfices ; ce taux qui, je l'espère, sera admis,
donnera un produit très supérieur à celui que l'on pourrait attendre de
l'application du régime français ou du règlement projeté de 1884.
Sans
fixer, dès à présent, des droits d'exportation, j'ai tenu à me réserver
la liberté de les établir, dès que je le jugerai utile, jusqu'à concurrence
de 3 p. 100. Je n'ai pas songé à déterminer un prix fixe auquel la
houille devrait être livrée au gouvernement du protectorat ou à la
marine de l'Etat, parce qu'il m'est matériellement impossible, en ce
moment, de recueillir les éléments certains de cette détermination et
que, d'autre part, les concessionnaires se seraient refusé à assumer une
charge dont ils ne pourraient eux-mêmes apprécier tout le poids. Mais
je n'ai pas voulu abandonner ces fournitures aux libres exigences des
concessionnaires, et j'ai stipulé que, pour le protectorat et la marine
française, le prix d'achat serait toujours le plus bas auquel, dans les
six mois précédents, serait descendu le cours commercial. J'ai prévenu
de la sorte les manœuvres qui permettraient de relever facticement le
cours à la veille d'une importante livraison.
Voilà, monsieur le ministre, sauf les légères modifications de détail que pourraient suggérer
les hommes compétents qui vous entourent, le projet de concession que j'ai
l'honneur de soumettre à votre approbation. Je ne sais si je me trompe,
mais j'ai la conviction profonde que, sans préjudice aucun pour les
intérêts du protectorat, on pourrait, quant à présent, et pour une
période d'au moins quelques années, substituer dans la matière qui nous
occupe le régime de ces concessions à celui de l'adjudication. Je n'ai
pas à insister sur les avantages de cette substitution. Avant moi, M. P.
Bert vous les avait signalés, en envisageant les intérêts politiques
aussi bien que les intérêts financiers du Tonkin.
J'ai la
confiance qu'une redevance minime de un franc par tonne de houille
vendue donnerait à ces intérêts financiers une satisfaction qu'on
chercherait vainement en dehors du régime des concessions.
BIHOURD.
M. Bihourd, résident. général de France en Annan et au Tonkin, à M. Florens, ministre des affaires étrangères.
Hanoï, le 28 mars 1887.
Pour
faire suite à ma dernière lettre, dans laquelle j'avais l'honneur de
vous annoncer l'ouverture de mes négociations, en vue de concessions
minières, je suis heureux de vous apprendre que ces négociations
viennent d'aboutir, et que j'ai signé avec M. Bavier-Chauffour une
promesse de concession ci incluse dont le texte est soumis à votre haute
approbation.
Le projet général que je vous ai envoyé vous a, je
crois, suffisamment éclairé sur les conditions auxquelles je
subordonnais toute concession, pour que je n'aie pas à m'étendre de
nouveau sur l'économie du traité. Il me resterait donc seulement à vous
développer certains détails, et à vous expliquer les raisons
particulières qui me font, dans l'espèce, solliciter votre avis
conforme.
Et d'abord, je vous prierais de remarquer, au point de
vue financier, que M. Bavier-Chauffour a souscrit des obligations de
beaucoup plus profitables au protectorat que celles prévues au règlement
de 1884. Ces obligations lui imposent, du premier coup, le versement
d'un droit de concession qui, calculé à raison de 10 fr. par hectare,
sur 15,000 hectares, minimum d'évaluation, s'élève. à 150,000 fr., et
l'astreignent, en plus, aune redevance variant de 1 fr a 1 fr. 75, qui,
sans compromettre le succès de l'exploitation, constitue
incontestablement une exigence raisonnable. C'est là un premier
avantage, que je me permets de mettre en relief, parce que je vous avoue
qu'à mon sens, je n'aurais pas dû l'attendre d'une adjudication
publique. Il suffit, en effet, de rappeler la difficulté de provoquer
des enchères sur des terrains dont la délimitation exacte n'est pas
encore faite, dont la contenance est encore quelque peu problématique, et dont la désignation juridique, base de toute acquisition, eut été impossible.
Je
suis convaincu que la lutte se serait à peine engagée, et que la
compétition se fût probablement réduite à M. Récopé, dont je vous ai déjà
parlé, M. Bavier-Chauffour se refusant à enchérir sur des terrains dont
il réclame judiciairement la propriété. Est-il donc vraisemblable, dans
ces circonstances, qu'une adjudication ait donné des avantages
supérieurs à ceux qui m'ont été consentis de gré à gré et sous l'empire
du vif désir d'arriver à une transaction.
Je trouve ici,
d'ailleurs, une nouvelle raison d'avoir agi comme je l'ai fait. Les
conditions acceptées par M. Bavier sont aussi avantageuses que celles
de son concurrent ; elles le sont même davantage, en ce sens qu'elles
finissent un différend et qu'elles contiennent des concevions très
importantes, si on compare ces dernières à celles obtenues par mon
prédécesseur. Quelle que soit, du reste, la manière dont on envisage
l'issue du procès ainsi terminé, il ne faut pas se dissimuler que,
juridiquement, l'affaire soulevait des questions fort délicates et
qu'elle nous eût certainement fort embarrassés le jour où, en dépit de
protestations énergiques, nous aurions voulu, au cours d'une
contestation, adjuger des terrains dont la propriété était nettement
contestée
Ceci dit, je n'insiste pas sur l'avantage précieux qui
résulte, à notre profit et au profit de la marine de l’État, de
l'article 11 relatif aux fournitures de charbon, et je n'insisterai pas
davantage sur les garanties de toutes sortes que j'ai prises pour
m'assurer que je traiterai définitivement avec une société française,
dont la constitution sera ultérieurement régulière, et vis-à-vis de
laquelle je resterai toujours à couvert, même en cas d'éventualité
malheureuse.
Cette situation ressort clairement de ce fait que,
si elle ne se constitue pas, le protectorat conservera les 100,000 fr.,
qui lui sont spécialement affectés, et que si, en cours d'exploitation,
elle vient à manquer de l'argent nécessaire pour la constituer, eu
versant un minimum de redevance de 60,000 fr., sa déchéance sera
prononcée sans retard, le protectorat s'attribuant encore, à titre
d'indemnité, la somme versée comme droit de concession.
Je vous
demanderais donc, monsieur le ministre, de déclarer exécutoire le
règlement de 1884, en y introduisant la faculté de consentir des
concessions de gré à gré, et, comme coaséquenc8 de cette modification,
je vous prierais de m'autoriser à convertir la promesse de concession
ci-incluse en concession définitive, lorsque le moment de le faire sera
venu.
Annexe à la dépêche de Hanoï du 28 mars 1887.
Entre
les soussignés : M. Bihourd, ministre plénipotentiaire, résident
général de la République française en Annam et au Tonkin, agissant au
nom et comme chef du protectorat de la France, demeurant à Hanoï, à la
résidence générale, d'une part ; Et M. Bavier-Chauffour,
propriétaire-rentier, domicilié à Neuilly-sur-Seine, demeurant
actuellement à Haïphong, d'autre part, Il a été convenu et arrêté ce qui
suit:
Art. 1er. — Le gouvernement du protectorat promet de concéder, à
perpétuité, à M. Bavier-Chauffour, sous la condition suspensive ci après indiquée, le fonds et le tréfonds du domaine indiquée, de la baie d'Ha-Long, divisé en trois divisé en trois lots dont la désignation suit :
1er lot de Hon-Gay— Ce lot comprend les portions de terrain ayant comme délimitation :
Au nord, la rivière allant vers Tien-Yen.
Au sud, la baie d'Ha-Long.
A l'est, les bornes n° 1 et n° 2 indiquées au plan dressé par M. l'ingénieur de Vézine-Larue, le 3 mars 18S7.
A l'ouest, la baie de Hon-Gay.
Les
îles dites de Hon-Gay et Bayard ainsi que l'île ou presqu'île sur
laquelle est situé le poste des mines, limitées par les eaux de la baie
d'Hon-Gay, ne sont pas comprises dans ce lot.
2e lot dit d'Ha-Tou. — Ce lot est borné :
Au nord, par le terrain permien ;
Au sud, par les baies d'Ha-Long et Faï-Tzi.
Long;
A l'est, par la borne n° 5, avec une direction sud-nord, s'étendant à
l'extrémité du terrain houiller ou au commencement du permien.
A l'ouest, par la limite est de la concession, de Hon-Gay, c'est à-dire les bornes n° 1 et n° 2, indiquées au plan susvisé.
3e lot dit de Campha. — Ce lot est borné : Au nord, par le terrain permien.
Au sud, par la baie de Faï-Tzi-Long.
A l'est, par le bras de mer conduisant à TienYen.
A l'ouest, par la limite est de la concession de Ha-Tou.
La
superficie des trois lots ainsi désignés, d'environ 15,000 hectares,
sera délimitée partout, où besoin sera, aux frais du concessionnaire,
par la fixation de poteaux et écriteaux dont le protectorat déterminera
le type et l'emplacement.
Art. 2. — Toutefois, la concession ne
comprendra pas, et ne pourra comprendre, à aucun titre que ce soit,
aucune partie du domaine maritime, c'est-à-dire l'espace d'environ 82
mètres, à partir des plus hautes mers, lequel espace est formellement et
expressément réservé.
Art. 3. — Il est, en outre, fait observer
que, dans le cas où l'intérêt public commanderait de traverser le
domaine concédé, — ou de fortifier un point quelconque dudit domaine, —
le gouvernement du protectorat pourra entreprendre sur la concession
tous travaux nécessaires, et ce, sans indemnité.
Art. 4. — Dans
un délai de huit mois, à compter de la signature des présentes, M.
Bavier-Chauffour, à qui est consentie la présente promesse de concession,
avec l'étendue et les restrictions qui viennent d'être rapportées,
s'engage à constituer ou faire constituer une société anonyme au capital
de 3,000,000 de francs, divisé par actions de 500 fr. chacune
entièrement libérées, la souscription étant ouverte concurremment
et le même jour à Paris, Hanoï et Haïphong, dans les bureaux de la
banque de l'Indo-Chine, et à Hong Kong, dans les bureaux du Comptoir
d'escompte de Paris et autres maisons françaises. En cas d'augmentation
du capital social, au cours de la société, l'augmentation aura lieu par
voie d'actions entièrement libérées, souscrites dans les mêmes
conditions et aux mêmes lieux que ci-dessus.
La société à
constituer sera société française, régie conséquemment par la loi des 24
et 29 juillet 1867, et portera, sauf modification ultérieure, le titre
de « Société française des charbonnages du Tonkin ».
Elle aura
son siège, soit à Haïphong, soit dans toute autre ville du Tonkin, et
son conseil d'administration devra toujours se composer d'une majorité
de membres français.
Le personnel nécessaire pour assurer la
direction technique et commerciale de l'exploitation sera exclusivement
composé de personnes de nationalité française.
Art. 5. — La société étant constituée, M. Bavier-Chauffour sera tenu de remettre à l'administration du protectorat : 1°
Un exemplaire dûment certifié des statuts de la société ; 2° Une
expédition de l'acte notarié constatant la souscription du capital
social, et l'entière libération des actions souscrites; 3° La liste
nominative des souscripteurs et l'état des versements effectués;
4°
Une copie certifiée des délibérations prises par les premières
assemblées générales, dans les cas prévus par les articles 4, 24 et 25
de la loi du 24 juillet 1867; 5° Les pièces de nature à établir que les
formalités de publication légale ont été accomplies conformément à
ladite loi.
Art. 6 - Lorsque M. Bavier-Chauffour aura justifié de
la validité de constitution de la société, la présente promesse de
concession sera convertie en concession définitive; à cet effet, le
gouvernement du protectorat et la société constituée passeront un acte
régulier de concession.
Mais, faute de constitution de la société
dans le délai imparti par l'article 4, et dans les conditions
ci-dessus développées, la présente promesse de concession sera résolue
de plein droit, par le seul fait de l'échéance, et sans que la
résolution ait besoin d'être prononcée judiciairement.
En conséquence, le protectorat reprendra sa liberté de concéder le domaine dont s'agit à toute autre personne.
Art.
7. — M. Bavier-Chauffour affecte, dès à présent, à l'administration du
protectorat la somme de 100,000 fr., à prendre sur celle dont il a fait
offre réelle au gouvernement annamite, les 21 et 28 août 1886, et qui se
trouve déposée entre les mains du Trésor public.
La présente affectation spéciale et constitution de privilège a pour but d'indemniser le protectorat du préjudice qui résulterait pour lui du
la non-constitution de la société. La somme affectée lui sera acquise
dans ce premier cas. Dans le cas contraire, elle s'imputera sur les
sommes à verser pour la société, à titre de droit de concession, et
jusqu'à concurrence dudit droit, le surplus devant lui être remboursé.
Art. 8. — M. Bavier-Chauffour se porte fort que la société à former souscrira aux conditions et dispositions qui vont suivre.
Art.
9. — La société concessionnaire déclarera se soumettre, sans
restrictions ni réserves, au règlement sur les mines inséré au Journal
officiel du 6 décembre 1884, en tant que ledit règlement, qui sera
annexé à l'acte de concession, n'aura rien de contraire aux clauses des
présentes.
Le jour de l'échange du contrat de concession, et
préalablement à cet échange, elle versera entre les mains de
l'administration du protectorat, à titre de droit de concession, une
somme qui sera calculée à raison de 10 fr. par hectare concédé. La
superficie du domaine concédé est, dès à présent, évaluée à un minimum
de 15,000 hectares, le protectorat se réservant de faire valoir ses
droits pour le surplus, après vérification.
Elle payera ensuite,
en cours d'exploitation, une taxe ou redevance annuelle, par tonne de
houille transformée ou non, livrée dans un intérêt étranger à celui de
l'exploitation.
Cette redevance sera calculée à raison de 1 fr. 25 par tonne sur les 100,000 premières tonnes extraites dans le lot dit de «
Hon-Gay », de 1 fr 50 par tonne sur les 100,000 suivantes jusqu'à
200,000, et de 1 fr. 75 par tonne au delà de 200,000.
En
ce qui concerne le lot dit de Ha-Tou, la redevance sera de 1 fr. pour
les 100,000 premières tonnes, de 1 fr. 25 pour les 100,000 suivantes et
de 1 fr. 50 au delà de 200,000.
Elle ne sera que de 1 fr. par
tonne de houille extraite dans le lot dit de Campha.
Ladite redevance ne
pourra jamais être inférieure annuellement à la somme de 60,000 fr.
pour les trois lots.
Elle
sera exigible par trimestre, six mois après l'échange du contrat de
concession pour le lot dit de Hon-Gay, et un an après ledit échange pour
les deux autres lots.
Art. 10. — Pour assurer, d'une manière
régulière, le payement de la redevance, la société concessionnaire devra
soumettre, sans déplacement, à l'examen, vérification et contrôle du
résident général ou de son délégué, tous livres, registres et papiers de
comptabilité.
L'administration organisera un service de surveillance, par application de l'article 60 du règlement sur les mines, précité.
Art. 11.
— La société concessionnaire devra fournir, dans le plus bref délai
possible, toutes commandes de charbon qui lui seraient faites par l'administration du protectorat, par priorité à toutes autres commandes, et
au cours du marché le plus favorable au protectorat dans les six mois
qui auraient précédé la date de la commande.
Art. 12. - Dans le
cas où le protectorat ferait une concession limitrophe, la mine concédée
à M. Bavier-Chauffour sera grevée d'une servitude de passage au profit
de la mine limitrophe, de telle
sorte que cette dernière puisse accéder directement à l'appontement qui
pourrait être établi par la société concessionnaire avec l'assentiment
de l'administration dans l'îlot, l'île ou presqu'île dit du Poste des
mines.
Art. 13 — La société concessionnaire aura la faculté,
pendant quatre ans, de faire des coupes dans les forêts du territoire
concédé et d'employer les bois en provenant aux besoins de son
exploitation ; mais elle ne pourra, à aucun titre, ni exporter ni vendre
le produit de ces coupes, ni même l'employer en dehors de son chantier
d'exploitation.
Art. 14. — La société concessionnaire perdra le bénéfice de sa concession : 1° Si, dans un délai de quatre mois pour le 1° Si, lot et d'un an pour les deux autres à premier lot et d'un an pour les deux autres à partir de la délivrance de propriété, elle n'a pas commencé l'exploitation; 2°
St elle a interrompu son exploitation pendant un an ; 3° Si, deux mois
après un avertissement resté sans résultat, elle n'a pas payé un terme
échu de la redevance fixée à l'article 9.
La société sera alors
considérée comme inhabile, et sa déchéance sera prononcée sans appel:
dans les deux premiers cas, par décision du résident général, rendu en
conseil du protectorat ;
dans le troisième cas, elle sera
encourue de plein droit, par l'expiration même du délai de deux mois qui
suivra la date de l'avertissement.
Art. 15. — La déchéance de la société concessionnaire étant prononcée ou encourue de plein
droit, la somme versée par elle à titre de droit de concession, par
application de l'article 9 précité, sera acquise au protectorat à titre
d'indemnité.
L'administration aura le droit de faire procéder,
aux frais de la société, à l'enlèvement de toutes constructions,
établissements, matériel et outillage, ou de les conserver à dire
d'expert.
Elle signifiera son option à la société concessionnaire.
Art.
16. — En raison de la promesse de con" cession qui vient de lui être
consentie, M Bavier-Chauffour déclare renoncer transactionnellement à
tous les droits pouvant résulter, à son profit, de deux actes de vente
et de concession passés entre lui et le gouvernement annamite.
le
26 août 1886, lesquels actes lui concédaient le fonds et le tréfonds de
62,000 hectares de terrains sis à Hon-Gay et à Kebao.
Il se
désiste, en conséquence, de l'action et de l'instance intentées par lui
contre le gouvernement annamite , actuellement pendante devant le
tribunal consulaire de Quang-Yen, et de tous droits et actions auxquels
il croirait pouvoir prétendre contra le gouvernement du protectorat.
Le
gouvernement du protectorat s'engage, de son côté, à garantir à M.
Bavier-Chauffour l'exercice des droits ainsi concédés, conformément au
traité du 6 janvier 1884.
Art. 17. — Il est expressément convenu que
le gouvernement du protectorat et M. Bavier-Chauflour seront
réciproquement déliés des obligations contenues au prêtent acte, si le
régime des concessions minières, de gré à gré, n'est pas admis par les
autorités compétentes.
Fait à Hanoï, en double original, le 28 mars 1887.
Approuvé l'écriture ci-dessus : BAVIER-CHAFFOUR.
Approuvé l'écriture ci-dessus : G. BIHOURD.
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